Il est l’un des entraîneurs français qui a beaucoup fait parler de lui ces dernières semaines. Après avoir quitté le PSG il y a quasiment un an jour pour jour, Jocelyn Prêcheur a tenté l’aventure outre-Manche dans le club londonien des Lionesses, propriété de Michèle Kang. Résultat: un titre de champion de deuxième division anglaise et une montée en WSL. Au-delà du terrain, le technicien français de 43 ans a lancé la construction d’un club à l’ambition forte.
Jocelyn Prêcheur, quand vous faites vos premiers pas à Londres, quelle est votre première impression?
Quand j’arrive, je trouve cette structure qui s’apparente à un club complètement amateur. Le club avait été racheté six mois plus tôt, mais rien n’avait encore été fait. Michele Kang a racheté ce club-là parce que c’était le seul club indépendant d’Angleterre, sans aucun lien avec une section masculine. Donc il y avait vraiment tout à faire. Les filles arrivaient juste avant l’entraînement, repartaient juste après. Il n’y avait pas de récupération, pas de prévention, pas de nutrition. Aucun critère pour moi du haut niveau qui permet d’augmenter la performance. Il a fallu tout construire.
Cela a dû vous faire un choc en quittant le Campus du PSG?
Ah, j’ai transpiré un peu, là. Je ne vais pas vous mentir. Surtout quand tu quittes le PSG, le campus. Donc, il y a eu vraiment trois mois minimum de structuration. On a même été obligé de louer un terrain loin du camp d’entraînement parce que j’ai demandé à refaire le terrain, car on ne pouvait pas s’entraîner dessus. Il a fallu construire le staff. Moi, je suis arrivé vraiment en dernier, il y avait beaucoup de personnes jeunes qui avaient été recrutées, dont pour certains, c’était la première expérience professionnelle. Comme on est un groupe, les équipes de Washington nous avaient donné un coup de main pour embaucher. En revanche, les membres du staff ont tout de suite été très dynamiques et flexibles. Et heureusement parce que finalement, tu te rends compte que quand tu as besoin de tout bâtir, c’était bien d’avoir cette flexibilité et puis surtout cette énergie parce qu’il y avait énormément d’huile de coude. Il a fallu vraiment travailler et c’est en octobre-novembre qu’on a commencé à avoir un quotidien de haut niveau. J’ai demandé à imposer le petit-déjeuner, le déjeuner, il a fallu embaucher les cuisiniers. Après, j’avais à ma disposition des moyens importants. Sinon tu ne peux pas aller aussi vite. Petit à petit on a construit, et au mois de février, mars, le club a été là où je me l’imaginais.
Vous avez bâti les fondations du club pour le haut niveau?
Complètement. Je n’ai jamais voulu parler de la montée au début. En plus, pour aller en WSL, il faut avoir des fondations solides. C’est bien que vous ayez utilisé ce mot-là parce que c’est celui que j’ai peut-être le plus répété la saison dernière. Il fallait construire l’équipe, il fallait construire le club et en plus, il fallait construire une culture qui n’existait absolument pas. Alors on peut l’appeler culture du haut niveau, culture de la gagne, peu importe, les process n’étaient absolument pas là, ni dans le staff, ni dans les joueuses, à part quelques joueuses assez expérimentées, quelques noms du foot féminin qui m’ont beaucoup aidé à construire cette culture justement, puis à éduquer un petit peu les autres joueuses.
Malgré la période difficile de l’automne, à la trêve hivernale on était encore en course. Moi, je ne voulais toujours pas en entendre parler. J’ai dit on fera le point sur les trois derniers matchs et il s’avère que les trois derniers matchs on était à un point du premier, et finalement à la fin, on a joué le coup à fond et c’est passé.
Qu’est-ce qui vous a amené à vivre cette expérience Outre-Manche? Le contact avec Michele Kang?
Oui j’ai été sollicité dans un premier temps. Puis j’ai été séduit par son projet. Michele Kang est quelqu’un qui met la priorité sur l’équipe féminine, je n’avais jamais vu ça. J’avais eu des présidents comme le président Aulas qui mettaient une importance forte à la section féminine, ça, c’est sûr. Mais là, la locomotive du projet est la section féminine. L’Angleterre, c’est un championnat que j’avais toujours voulu découvrir, qui m’a toujours intéressé. Et enfin, la possibilité de bâtir le club, même si je pensais quand même qu’il y avait déjà des choses faites, cette possibilité de construire le club comme il faut.
Et pourquoi avoir quitté le PSG?
Je pars du principe que quand un grand club comme le PSG – car on parle d’un grand club – traîne beaucoup sur des prises de décision, et quand après deux mois de discussion, rien n’est là, c’est qu’ils ne te veulent pas. Et puis de l’autre côté, il y avait quelqu’un qui me voulait vraiment. Je suis parti du club avec le sentiment du travail inachevé. On était en train de montrer quelque chose, on n’est vraiment pas allé au bout, et c’est bien dommage.
À quoi ressemble le centre d’entraînement?
Et bien le centre d’entraînement est à l’image du projet. Quand j’arrive, je vois un parc de 27 hectares. Et tu sais que c’est juste pour toi, l’équipe féminine et évidemment l’académie. Il y a de la surface pour des terrains, il y a des terrains dessinés, mais dans un état difficile. En revanche, il y a un potentiel énorme. C’était un peu cocasse cette année de devoir gérer le quotidien sportif et en même temps faire les rendez-vous avec un cabinet d’architectes pour designer le futur centre d’entraînement. Désormais les terrains sont en construction. Les projets de construction pour les bâtiments sont en route. Michele Kang a piloté tout ce projet. La section féminine du London City n’aura rien à envier aux conditions d’entraînement du Campus du PSG. Ce sera du top niveau, ce qui a été imaginé, cela n’existe pas aujourd’hui pour une équipe féminine.
Avec Les Lionesses, Washington et l’OL Lyonnes, Michele Kang a mis en place la première multipropriété du football féminin…
C’était aussi une des raisons qui m’a motivé à rejoindre ce projet. On est une multipropriété de clubs féminins, Michele Kang veut montrer l’exemple, elle espère inspirer les autres pour qu’il y ait des gens qui rachètent les sections féminines et qui investissent dans le football féminin, car elle est convaincue, et moi également, que l’on n’est qu’au début de l’essor de la discipline. On fonctionne avec un patron du sportif. Ils me consultent sur le recrutement, mais c’est eux qui ont le pouvoir de décision.
Dans le football masculin, dans le cadre de la multipropriété on dit souvent qu’il y a un club phare et un club satellite. C’est aussi le cas dans cette structure ?
Je n’ai pas ce sentiment. On se rend compte que l’OL Lyonnes reste le club majeur. Mais tu te rends compte que le recrutement a été bouclé assez tôt. Nous aux Lionesses, il a fallu attendre la dernière journée de championnat pour savoir si on montait. Et ensuite, Washington, c’est une autre fenêtre de marché car ils ne sont pas alignés sur le même calendrier que nous. Les profils qui ont signé à Lyon, à l’heure actuelle aux Lionesses on n’a pas l’attractivité suffisante pour les attirer.
Il n’y a donc pas par exemple de prêts entre clubs de la structure pour permettre à des joueuses en manque de temps de jeu de partir dans un autre club de la galaxie?
Je pense qu’il faudra y venir. On a la chance d’être un club en multipropriété, il faudra tirer les avantages de la structure. À Lyon, il y a aussi une énorme transition avec un changement de nom. Nous, à Londres, on est en pleine mutation. Mais il est évident qu’une fois les structures mises en place, il y a évidemment des synergies à créer pour tirer la quintessence d’une multipropriété.
Quelles seront les ambitions en WSL la saison prochaine?
Le maintien, c’est l’étape numéro 1, car les deux dernières saisons le promu est redescendu tout de suite. Il ne faut pas que l’histoire se répète. Je vais attendre de voir à quoi l’équipe va ressembler. Si on arrive à attirer des bonnes joueuses, des bonnes jeunes. Et puis on est toujours en pleine construction. Si on avance bien sur la dynamique de la saison passée, j’espère atteindre un milieu de tableau. Et finir cette construction pour pouvoir être compétitif ma dernière année de contrat. Avec ce club tout est possible.
Depuis son arrivée dans le football féminin, Michele Kang clame une ambition forte pour la discipline et pour toutes ses structures. Vous avez aussi ce sentiment?
Absolument, il y a une énorme ambition pour chacun de ses clubs. Mais la vision globale, c’est de faire évoluer le football féminin et de lui faire prendre une autre dimension. Il y a son projet, mais encore une fois, j’espère que cela va convaincre d’autres investisseurs de faire la même chose pour donner au football féminin une autre attractivité.
Après une saison passée Outre-Manche, vous avez été frappé par l’engouement autour du football féminin?
C’est incomparable. En 2025, on était quasiment à 2.000 spectateurs à domicile. En février, on était encore loin de la montée. On n’a fait que battre les records d’affluence en 2025. La chaîne de télévision Sky diffuse pour la première fois un match de Championship féminin lors de la dernière journée de championnat. On a beaucoup parlé de la compétition entre Birmingham-London City sur les derniers matchs.